Comment la danse a transformé mon adolescence

Vaste sujet, qui remonte à l’adolescence, au jour où mon amie Dominique, me voyant me trémousser avec enthousiasme sur les Bee Gees dans ma chambre-timbre-poste m’a dit ” Tu devrais venir à la danse avec moi”. Le jour où j’ai franchi la porte d’un studio pour la première fois, au cours d’ado niveau moyen du mercredi avec pour professeur Marylin Collings, a changé ma vie.

Non pas que je me serais imaginée danseuse professionnelle ! C’était une petite école associative, et je commençais trop tard pour en faire un métier. Je n’avais rien pour moi : une scoliose marquée, une silhouette trop massive, à l’époque où c’était l’éloge de la maigreur… c’était râpé d’avance.

Ma vie a changé juste parce que, pour la première fois, je faisais quelque chose de sympa de mon corps que je détestais tant.

13 ans, un corps trop rond, de grosses lunettes de myope, des complexes tout autour du ventre. Rien de me prédestinais à danser. J’étais déjà à l’époque dingue de livres, j’écrivais des nouvelles, j’adorais le cinéma, je me rêvais journaliste chez Starfix, mon magazine de ciné d’imaginaire auquel mes parents m’avaient abonnée à ma demande (merci à eux pour ce cadeau). En revanche, j’étais nulle en gym, moquée à l’école et au collège, inutile de dire que je manquais de confiance en moi pour tout ce qui ressemblait de près ou de loin à du sport.

En 1977, la Fièvre du samedi soir est sorti au cinéma : le disco, c’était la grande mode à l’époque, et je dansais toute seule dans ma chambre en reproduisant les mouvements de Travolta. Je prenais aussi un magazine pour ado, Podium, où je découpais de chouettes photos de mes idoles : le disco et le rock aussi, bien sûr. Elton John, Kiss, Scorpions, déjà.

“Tu devrais venir à la danse avec moi.”

Quand j’ai commencé à prendre des cours de modern jazz, j’ai mis le disco de côté : ma professeure m’a appris à relâcher mon dos, à respirer, à travailler mon écart, ma souplesse, à monter mes jambes de plus en plus haut dans de grands battements, à placer mes satanés bras (cette fichue scoliose a des répercutions sur leur posture.)… elle m’a appris le vocabulaire du jazz et de la danse moderne. J’ai vite ajouté un deuxième cours dans la semaine et en rentrant après mes leçons, je révisais tout dans ma chambre, pour exercer ma mémoire et mon corps. Pour mon anniversaire, Noël, je me suis mise à réclamer justaucorps, guêtres longues, courtes, etc. La danse est devenu une passion, sans illusion, mais une passion.

Ma chambre est très vite devenue trop petite pour bosser les sauts et les tours, je me cognais partout. Je ne voulais pas m’exercer ailleurs à la maison, de peur de me faire moquer par mes frères ou mon père, qui n’aimaient pas la danse.

Mon corps s’est musclé et assoupli tout seul, bien content de me voir si assidue. Rien que pour ça, merci à la danse et à celle qui m’a encouragée à m’y inscrire.

Deux ans après mes débuts, Marylin m’a proposé d’entrer dans son groupe expérimental, sa pré-compagnie, avec mon amie Dominique. J’avais beaucoup travaillé et elle voyait ma motivation, et cela m’a sciée. Je me souviens encore de l’audition passée avec ses danseurs, du trac que j’avais, du cri de joie que j’ai poussé quand j’ai reçu le coup de fil m’annonçant que j’étais prise et que je commençais le samedi suivant. Je n’ai pas été plus heureuse quand j’ai eu le bac.

Premiers spectacles, premiers tracs de la scène, première fois où j’appartenais à un groupe autour d’une activité physique et où l’on s’entraidait. Je me suis même essayée à la chorégraphie, toujours avec ma grande amie Dominique. J’ai suivi des stages avec plein de professeurs. Et plus tard, autre compagnie, découverte de la danse classique (juste pendant 2 ans et sans pointes, j’étais trop âgée pour commencer, parait-il) et des claquettes (j’ai adoré)… Participation aux rencontres régionales de danse, etc.

Je ne vais pas vous refaire tout le chemin jusqu’à aujourd’hui où, à soixante ans, je danse encore. Plein de limitations me font des misères, surtout l’arthrose des genoux : fini les sauts, les grands pliés… mais le plaisir est toujours là, la passion aussi. Et le trac, et les spectacles, et les copines.

Il était inévitable que j’écrive un roman sur la danse, un jour ou l’autre. Il est actuellement en première relecture chez des amies autrices. J’ai eu envie de me démarquer des romans pour petites filles, tout en tutus roses et bons sentiments, pour écrire un roman de fantasy adulte, où j’aborde le thème du temps qui passe pour les danseurs comme pour tout le monde, entre autres thèmes. Je parle aussi de l’échec, de la relation mère-fille, de la recherche sans fin de l’excellence, des sujets qui parleront aussi aux non-danseurs. Je suis pleine d’ambitions pour ce roman, comme tout danseur qui se respecte.

Ce blog va faire une pause estivale jusqu’en septembre. Je vous souhaite un très bon été ! Et si vous le souhaitez, dansez maintenant !


Comments

One response to “Comment la danse a transformé mon adolescence”

  1. Escrocgriffe Avatar
    Escrocgriffe

    C’est une facette de toi que je connaissais peu… Merci pour ce témoignage à la fois vivant et touchant, hâte de lire ton prochain bébé de papier 😉

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