apprendre de ses echecs

Je viens de rentrer d’une fête du livre dans une commune de Corrèze où j’ai, comme trop souvent, perdu mon temps. Deux ventes sur une journée, dans des conditions d’exposition peu agréables (en plein air, dans les courants d’air, il faisait frisquet là-bas, un WC pour tout le monde et pas de savon pour se laver les mains…), et en plus des ventes dont je ne garderai pas le fruit (un livre qui appartient aux Aventuriales, et un que j’ai en simple dépôt)… tout ça au prix d’un lever à 7h un dimanche et 150 km de route sur la journée. Ce type de journée porte un nom chez moi : la lose. (“perdre” en anglais)

Mon stand ce matin. Le monsieur à côté est un exposant. Dans l’après-midi, il n’y avait qu’à peine plus de monde…

Vous me direz : “on ne gagne pas à tous les coups” et “si tu n’essaies pas, tu ne sauras pas”. Le problème est que je me suis dit ça plein de fois en m’inscrivant à des petits événements près de chez moi, et que le résultat est pour 2023 : 2 ventes en moyenne par jour de salon.

Non, ce n’est pas beaucoup, on est d’accord.

Ce n’est pas simplement ces jours d’exposition qui sont perdus. La veille d’une manifestation, je prépare mes livres, je compte ceux que j’emmène, je vérifie leur état. Je mets à jour si besoin le logiciel pour le paiement en ligne, et son terminal. Je contrôle la météo qui va m’aider à choisir les vêtements adaptés pour éviter soit de mourir de chaud, soit d’attraper froid. Je prépare un pique-nique si j’ai des doutes sur la qualité de la petite restauration sur place et … si je me dis que je risque de ne pas vendre grand’chose : autant éviter de dépenser.

Le matin, le lever a lieu de bonne heure, il faut charger la voiture, et prendre la route. Je ne vais pas à plus d’une heure de chez moi, pour des raisons économiques et écologiques.

Arrivée sur place, je gare la voiture, j’installe mon stand. Je prends un café. Et j’attends le chaland, comme les autres exposants. Parfois, les exposants sont plus nombreux que les visiteurs. Parfois le repas est offert, et j’économise le temps passé la veille à préparer le pique-nique mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois, et c’est agréable, je connais du monde et ça fait au moins quelqu’un avec qui papoter, si on ne vend pas.

Et le soir, on remballe quand on sent que c’est fini, que les visiteurs ne viendront plus, qu’ils sont tous rentrés ou presque. Et de nouveau, la route. On décharge la voiture et on compte le peu qu’on a gagné.

Depuis fin mars, j’ai participé à 7 journées de salon ou fête du livre près de chez moi. Motivée par l’envie de soutenir la nouvelle sortie de mon livre, j’ai décidé de m’investir autant que possible, dans la limite du raisonnable en terme de cout. Car si on paye parfois fort cher un stand dans une manifestation importante, rien de dit que les ventes couvriront simplement le prix du stand et les frais annexes. Quant à payer les frais de transport, on oublie ça.

Résultat des courses : en moyenne 2 livres vendus par jour. 2. Avec quelques disparités entre les salons : ceux dont les organisateurs prennent la peine de communiquer énergiquement sur les réseaux sociaux attirent plus de monde que les autres. La gentillesse des bénévoles le jour J ne suffit pas à compenser l’amertume de l’exposant bredouille qui perd son temps.

Aujourd’hui, j’ai vu fuir au moins 5 ou 6 personnes de mon stand parce que je fais de l’imaginaire. Certains grimacent, souvent des personnes âgées qui viennent se promener, en lisant les résumés de mes livres. Ben non, je n’écris pas de romans régionaux ou de romances feel good. Oui, c’est moi qui écris. Au bout d’un moment, je songe à ma maison, à mon roman en cours de correction, à ma famille, et je me demande ce que je fous ici au lieu d’écrire.

Des amies autrices m’ont dit un jour “on a tout intérêt à faire les petits salons du coin”. Sauf qu’elles vendent entre autres des albums jeunesse : des livres à moins de 10 eur, que les parents, soucieux d’inculquer l’amour de la lecture à leurs petits, achèteront sans mettre leur budget en péril. Très souvent, ces “petits” romans (par le prix, pas par leur qualité, hein) ont sauvé leur journée.

Mon roman est à 26 eur, et je n’ai presque rien d’autre à moins de 16 eur. Il faut tomber sur des passionnés pour arriver à vendre à ce prix-là, pour des adultes. Je sais que ce n’est pas ma faute, que je fais de mon mieux pour pitcher, que parfois ça marche. Je gagne chaque vente que je fais à la force du poignet. Et parfois je présente mon travail, longuement, et je ne vends rien ou presque, comme aujourd’hui.

J’entends aussi “il faut communiquer sur les réseaux sociaux, se montrer sur TikTok et Instagram”. Pfff. Ce n’est pas parce que j’aurai fait l’andouille sur internet que ces manifestations attireront du monde. J’ai autre chose à faire que de pondre un énième “contenu”, activité ô combien chronophage si j’en crois les pros. Et franchement, le problème n’est pas ma communication mais celles des organisateurs qui n’en font pas et peuplent leurs manifestations d’exposants sans public, tout contents d’avoir fait “de la culture”.

Enfin, j’entends “il te faut plus de livres”. Oui, eh bien justement, si je veux écrire, il me faut réinvestir mon temps. Arrêter de fouiller le net à la recherche de “salons” où je vendrai deux livres, télécharger le bulletin d’inscription, envoyer un chèque, une bio, une photo, une bibliographie qui ne sera utilisée nulle part, etc. Je vais arrêter de perdre mon temps et le réinvestir dans ce qui est important : écrire et bosser mes textes.

J’en viens à l’annonce suivante : j’arrête les petits salons. Je me suis inscrite à quelques manifestations jusqu’à fin décembre et je les honorerai mais je ne prends plus rien d’autre. J’aurai consacré à Hélios nouvelle édition 9 mois d’efforts pour rencontrer des lecteurs. C’est bien suffisant au vu des résultats.

Oui, c’est amer, je le reconnais. C’était une erreur de ma part de croire que je pourrai trouver des lecteurs ainsi et je salue bien bas mes collègues qui ont démarré leur carrière d’écrivain de cette manière, ils se reconnaitront. Mais pour ma part, j’arrête de jouer.

Donc, à vous auteur débutant qui rêvez de dédicacer votre ouvrage en imaginant les files d’attente devant votre stand, ici j’ai parlé sans fard, sans filtre peut-être aussi. Je n’ai pas de conseils à vous donner, vous serez peut-être une machine de guerre en matière de ventes mais sachez qu’une journée comme celle que je viens de passer, c’est long pour rien.


Comments

7 responses to “apprendre de ses echecs”

  1. Ce n’est pas pour rien, vous avez gagné une abonnée qui aime votre style. Soyez persévérante – mais si je peux me permettre, 26 euros, c’est peut-être dissuasif.
    Tenez bon. Amicalement

    1. Dominique Lémuri Avatar
      Dominique Lémuri

      Merci pour vos encouragements, c’est très gentil ! En effet, 26 eur c’est beaucoup, mais le prix est fixé par mon éditeur (je ne publie qu’en maison d’édition) et je n’y peux malheureusement rien. L’augmentation du prix du papier a entrainé une hausse du prix des livres, et de plus, mon éditeur pratique l’édition à la demande, donc en petites séries, ce qui mathématiquement entraine une hausse des couts et un prix de vente plus cher. L’équilibre économique est difficile à toutes les étapes de la vie des livres, en ce moment.

  2. C’est vrai qu’avec le nombre de livres de poche à bas prix, 26€ est un budget…
    Courage à vous et j’espère que les prochaines ventes marcheront 🙂

    1. Dominique Lémuri Avatar
      Dominique Lémuri

      Je recommande l’achat de la version numérique, quand je sens que c’est le principal frein. 5,99 eur, c’est déjà mieux ! Merci de votre passage !

      ERRATUM ! Le prix de mon roman en version e-book n’est pas 5,99 mais 7,99 eur, en ce moment – hors promotion mise en place par l’éditeur de temps en temps –

      1. Je comprends mais rien ne vaut la version papier pour moi !

  3. Serge Marc Avatar
    Serge Marc

    Si l’éditeur n’a pas les moyens de faire la promotion du roman et qu’il faut faire du porte-à-porte pour un produit relativement cher, ce n’est pas surprenant, autant utiliser son temps à produire, Chacun son métier.

  4. Paliard Caroline Avatar
    Paliard Caroline

    Merci pour ce commentaire Madame. 😁. Pour info, j’ai prêté ton bouquin a ma libraire, on sait jamais. 😘
    Bisous
    .courage pour volume 2 attendu impatiemment par de nombreux fans.

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