Routine, quelle routine ?

Je lis parfois des billets écrits par des collègues auteurs concernant leurs méthodes de travail. Certains parlent même de routine à respecter : bureau, boisson, animal familier, ils ont des rituels qui leur permettent de s’y mettre.

J’ai longtemps cru être pareil et je viens de me rendre compte que non. Bien au contraire.

Voici le contexte : mon fils a décroché un job d’été dans une ville voisine. Voisine mais éloignée quand même de 25 mn de voiture de chez nous. Je me suis retrouvée partagée entre la satisfaction de le voir sortir de ses jeux vidéo pour ajouter une ligne à son CV et l’enquiquinement de griller du CO2 pour l’emmener et le ramener tous les jours (il n’a pas le permis). J’ai envisagé les transports en commun, mais pas de bus là-bas pour faire la jonction train-entreprise, à pied c’est la galère (et dangereux) et le vélo c’est pire. Bref, il a fallu se résoudre à l’emmener en voiture.

Et j’ai trouvé comment réduire les dégâts environnementaux en faisant d’une contrainte, une force. Je l’emmène le matin et passe ma journée à travailler ici et là, bars, médiathèques, parcs, etc, en fonction de l’humeur et de la météo aussi. Et je le récupère le soir, après sa journée de travail et la mienne. En mode nomade.

Mes bureaux du moment

Et j’ai doublé mon temps de travail et donc ma production de texte. A la maison, il y a toujours quelque chose à bricoler : une machine à faire tourner, à étendre, un peu de cuisine ou de sport, une course à faire, un tour dans le jardin pour vérifier la maturité des fruits… et me mettre à jour sur les Aventuriales, vérifier qu’il n’y a rien en attente… et le temps passe sans bruit. Sans compter que le téléphone sonne de temps à autre, que je rencontre du monde en sortant faire une course à la superette et que je bavarde un petit moment. C’est bien plaisant, tout ça, mais ça ne permet pas de sortir des livres.

J’ai oublié le précepte phare d’Elizabeth George concernant l’écriture : la colle au cul. La colle au cul, oui c’est vulgaire, mais c’est vrai. Aucun roman ne s’écrit tout seul et sûrement pas en étendant du linge ou en glandouillant sur les réseaux. Il faut y passer du temps. Et je n’ai plus aucune excuse de ne pas le faire, c’est une question d’organisation mais pas seulement. Cela se passe aussi dans le cerveau.

Etre détachée de ma maison, dans un endroit neutre, où je ne connais personne, isolée du bruit par mes écouteurs avec une musique inspirante : boum, au moins 10000 signes par jour. Que je vais devoir corriger, bien sûr, mais qui coulent tout seul (je suis en réécriture quasi intégrale). J’ai retrouvé une capacité de travail très correcte par rapport aux petits 4 ou 5 ksec que j’arrivais à m’extraire du cerveau, encore le mois dernier. Tout ça parce que je suis au boulot.

Je suis au boulot quand je suis dans une médiathèque ou installée dans un bar dans un coin isolé. Je suis au boulot comme avant, quand je partais le matin pour aller travailler. Chez moi, je suis trop chez moi pour arriver à me concentrer uniquement sur mon travail d’écriture. Les tentations sont nombreuses et à portée de main. Dans une médiathèque, c’est différent : je vais travailler dans une salle silencieuse, on vient juste m’avertir de l’heure de fermeture. Si j’ai besoin de consulter un livre, l’organisation numérotée des ouvrages m’intimide et ne m’incite pas à la flânerie que j’éprouve chez moi face à mes énormes piles à lire. La médiathèque, dans ma tête (même si j’ai tort et que ça ferait rugir les médiathécaires qui œuvrent à en faire des espaces conviviaux), c’est un endroit où je bosse. Où je n’ai rien d’autre à faire, où le téléphone est sur silencieux (au risque de louper des appels… et alors ? Je rappellerai plus tard, ou laisserai un message. Je n’ai pas la responsabilité d’un porte-avion nucléaire !), où l’environnement est neutre. Où le seul bruit, ce sont mes doigts sur le clavier et mes neurones qui fument. (oui, ça fait du bruit, je vous assure)

Et en plus, c’est climatisé, ce qui a été très appréciable la semaine dernière quand on a eu des 36 et 38°C.

J’ai ajouté 60 ksec à mon roman en une semaine, c’est magique. Et cette semaine démarre pareil. Je suis immergée dans l’écriture, je ne perds que très peu de temps à aller vérifier des trucs un ou deux chapitres avant parce que tout est frais dans ma tête. Ces chapitres, je les ai écrit il y a trois jours maxi.

Je pense très fort que cette méthode va devenir la mienne : partir le matin, en même temps que tout le monde, et aller travailler, comme mon mari et mon fils. Si je veux être une autrice productive, je dois agir en conséquence et accorder à cette activité du temps de qualité, pas des bribes ici et là. Pas des bouts le soir quand j’ai envie de dormir. J’ai découvert, moi qui me croyais du soir pour écrire, qu’en fait j’écris quand je veux. Cette légende personnelle de l’écriture seulement le soir, date de l’époque où je travaillais pour une entreprise et où j’écrivais le soir, le week-end et pendant les vacances. Je n’avais pas le choix, à l’époque. Aujourd’hui, je travaille aux heures de bureau. J’ai mis du temps à comprendre que, chez moi, je n’y arriverais pas.

Merci à mon fils d’avoir trouvé ce job d’été, il vient de sauver mes corrections. Et peut-être mon année d’écriture ! :). Et celles d’après !

Et bien entendu merci aux adorables personnels des médiathèques d’Issoire et de Cournon d’Auvergne, de la brasserie Le Manezingue, du Fast Burger et du B-For à Issoire. Je vais finir par écrire un Guide de l’auteur nomade dans le Puy-de-Dôme !

2 commentaires sur “Routine, quelle routine ?

  1. Ohhh, j’ai adoré cet article et je suis ravie pour toi !!! 🤩
    Moi, j’écrivais beaucoup en dehors de la maison aussi, avant le Covid et j’avoue que maintenant je n’ai plus le cœur de le faire… mais à te lire, je sais qu’il faut que je renoue avec ça, moi aussi car, effectivement, j’étais méga productive dans ces moments-là.

    En tout cas, c’est très agréable à lire, vive le job de petit dernier, qui t’a « forcée » à trouver ce qui fonctionnait le mieux pour toi ! 😁

    Aimé par 1 personne

    1. Merciiii ! Oui, les enfants ont parfois des effets surprenants ! 🙂 C’est intéressant d’apprendre que c’était ta méthode, à toi aussi. Je suis sûre que nous trouverons d’autres auteurs nomades ici et là !

      Aimé par 1 personne

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