Eh bien, il était temps que je réalimente cette section, quand même !
Aujourd’hui, je vous emmène au Vietnam, sous domination française (début du XXème siècle). Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ma lecture m’a laissée perplexe malgré une très belle plume.

4ème de couverture :
Indochine, 1916. Sur la Rivière des Parfums glisse une jonque écarlate. À bord, Ven, rêveuse, attend son promis. Et découvre, abasourdie, qu’il s’agit d’un garçon de sept ans. Servante plutôt que femme, mère plutôt qu’amante, Ven n’en épousera pas moins le tumultueux destin du jeune Dan. Elle le suivra dans le malheur, la fuite, l’esclavage. Elle l’accompagnera dans la rébellion, le long apprentissage qui fera de, lui le plus grand brodeur de Huê. Elle le soutiendra, surtout, dans le seul amour vraiment interdit au maître en tapisserie qu’il sera devenu. Mais peut-on renouer les fils du temps ? L’art peut-il sauver du mal ? Et la passion guérir l’enfance ? Sur fond de lumière des tropiques et d’une flamboyante fresque coloniale, ce roman célèbre les forces de la vie
Mon avis :
Il est très mitigé. Le roman date de 2002 et de quelques années plus tard pour la traduction française donc il ne s’agit pas d’un roman à oublier car démodé. Mais je pense qu’il est utile d’avertir que son contenu est particulièrement choquant pour un esprit contemporain et féminin, de surcroit.
L’action débute en 1916 au Vietnam (l’Indochine à l’époque) sous le régime colonial français et se poursuit par sauts de plusieurs années. Mais qu’est-ce que les femmes en prennent plein la tête, dans ce livre !!! Entre les mariages forcés, les mutilations, l’esclavage, les menaces, l’humiliation, la mendicité, et la polygamie dominée par les ordres de la Première épouse sur les suivantes, leur vie n’est que souffrances entrecoupées de rares répits et leur seule joie : se sacrifier pour les hommes qui les possèdent (en l’occurrence, Ven est mariée à un garçon de 7 ans alors qu’elle en a 24) et leur seul espoir, la vengeance. Sympa, non ?
Même les femmes de milieu aisé comme Dame Chin sont traitées en inférieures : gravement malade, elle est envoyée mourir dans le Pavillon de la Paix et privée de nourriture (« pour se présenter à jeun devant la Mort »)…Bref, j’avoue avoir eu beaucoup de mal à comprendre cette culture très hiérarchisée où le sommet de la société est occupée par les hommes tout-puissants et intouchables, puis on dégringole l’échelle jusqu’en bas, au plus profond de la misère. Et les plus misérables de tous sont les femmes.
J’ai lu le livre jusqu’au bout, dans une sorte de fascination morbide en me demandant si, à un moment ou un autre, cette pauvre Ven allait sortir de la pauvreté et de la misère, et si son avis ou ses aspirations (ça existe, ça ?) allaient être entendus… D’un autre côté, Dan, son « mari » du début du roman, devenu adulte, m’a paru ingrat tout au long de l’histoire. Et je pense avoir compris que le confucianisme serait la clé de ces rôles sociaux, avec les rôles assignés dès l’enfance à toutes les personnes dans les familles, et le côté « transparent » des femmes, alors que ce sont celles qui travaillent le plus dur.
Je me suis dis à plusieurs reprises que ce roman me rappelait certaines œuvres de romans populaires tragiques, voire du Grand Guignol, où l’exagération des souffrances subies par les héroïnes visaient à accentuer l’empathie du public. Sauf que l’auteur, dans la postface, explique que ce roman est inspiré de la vie de son grand-père. Une histoire vraie, ou romancée en partie !
Bref, il y a environ un siècle au Vietnam, un homme riche pouvait faire assassiner des rivaux devant témoins, enterrer les cadavres, s’emparer de leurs biens et n’avoir aucun problème avec les autorités corrompues. Il pouvait même s’en prendre à un homme plus puissant que lui, s’il se trouvait sur son territoire. On pouvait vendre une femme dans un bordel, et la racheter à son propriétaire, on pouvait vendre un orphelin comme esclave, séquestrer quelqu’un durant des années etc… La torture était courante (le « méchant » prend cher et pendant longtemps, mais ce n’est pas une raison…), et tout ça avec un « gouvernement » français qui se fichait pas mal de remettre un peu d’humanisme dans tout ça, tant que la colonie rapportait des sous.
Cette lecture m’a laissée plus que songeuse, vous l’aurez compris. On est très loin des romans « exotiques » ou des films de l’entre-deux guerres présentant les sociétés asiatiques de façon délicate et romanesque. L’écart entre fantasme orientaliste et réalité n’est pas léger. J’avoue mon ignorance de ce pan de l’histoire (ça a dû occuper un paragraphe de mes cours de géo en terminale, au milieu de toute l’Asie du Sud-Est), et je serais curieuse d’en apprendre plus sur la réalité de la vie des populations locales sous occupation française à l’époque. Reste à trouver des sources fiables, et objectives…
À côté de ces péripéties violentes – qui d’ailleurs ne transparaissent pas dans la quatrième de couverture : franchement, la « flamboyante fresque coloniale », vraiment ? – on trouve quelques pages de pure poésie. C’est assez surprenant d’ailleurs, de voir comment l’auteur peut raconter les pires horreurs sur une page et décrire merveilleusement quelques lignes plus loin un coucher de soleil et une fête nautique sur la Rivière des Parfums avec deux amoureux dont, bien entendu, l’amour est interdit (ce serait trop facile, hein. Si les héros étaient heureux, mais où irait le monde ?).
Bref, je ne m’attendais pas à ça, et c’est un des charmes de LADM de bousculer mes habitudes de lecture.
J’ai prévu de lire d’autres romans de littérature vietnamienne, et celui que j’ai commencé me plait déjà beaucoup plus. J’ai de bonnes raisons pour cela : un peu d’immersion culturelle pour un roman, bien entendu !
Tiens, un peu de géo ?

Ah, j’avoue que tu ne m’as pas trop donné envie de le lire 😅, mais je te remercie de ce tour du monde en livres, qui nous permet de découvrir de nouvelles façons de penser et d’écrire. 🥰
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Hé hé, je me suis procurée ce livre après avoir lu une liste de romans recommandés sur un site, et pour moi c’est une étrange pioche. Le roman suivant s’intitule Terre des Oublis et ça commence beaucoup mieux. L’époque m’intéresse plus, puisque le roman débute après la guerre contre les Américains.
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