Ces livres que je ne lirai jamais

Je vis entourée de livres. C’est comme ça, j’ai commencé à acheter des livres à l’adolescence et j’en achète encore. Je peux difficilement m’en défaire, même s’il m’arrive depuis quelques années de donner ceux qui me déçoivent, pour faire de la place à d’autres. Le minimalisme en matière de livres est un concept qui me dépasse.

Il y a ceux que j’ai aimés, et je veux pouvoir les rouvrir même pour juste en lire des passages, il y a ceux que je n’ai toujours pas lus mais dont je peux me dire raisonnablement qu’ils finiront à un moment sur ma table de chevet, et il y a les autres. Cette fantastique accumulation de plaisirs futurs, de savoir, de connaissance. Je me sens comme dans le Nom de la Rose, parfois. Sauf que je ne mangerai pas mes livres, et que j’aime rire…

J’ai hérité d’une importante bibliothèque, dans laquelle j’ai déjà puisé par le passé, mais qui comprend pas mal de livres d’art, illustrés, grands, encombrants. Des Beaux Livres. Ceux pour lesquelles les librairies ont parfois un rayon spécialisé. Ceux qu’on offre pour Noël et qu’on se promet de lire enfin, quand on aura le temps.20190209_161228.jpg

Lorsque le destin a voulu que j’en devienne propriétaire, j’ai dû en donner un bon nombre mais j’en ai gardé beaucoup, assez pour garnir une nouvelle bibliothèque sur deux couches et plusieurs dizaines de mètres de rayonnages. A leur sujet, je me suis dit : ils te serviront pour un projet d’écriture, un jour. Celui-ci t’inspirera pour ton monde de fantasy. Et celui-là est assez bizarre pour offrir le terreau d’un récit fantastique. Mais les lirai-je en intégralité ? Je ne crois pas. Ces livres-là sont condamnés au feuilletage, à livrer un ou deux chapitres via leur index, à servir de livres d’images, mais je ne les lirai pas in extenso, comme je le ferai d’un roman.

Pourtant, j’ai du temps devant moi. Je devrais pouvoir m’installer dans un fauteuil, avec des coussins pour soutenir mes épaules, ou même le placer sur un lutrin, et ouvrir cet énorme truc intitulé « Sahara » ou « Biblica » « Brueghel » « les Celtes » ou un autre de ces si beaux objets qui ne peuvent constituer une lecture du soir. Est-ce que la vie moderne m’a tant influencée que j’ignore désormais ce qu’est la patience ? Entrer dans une lecture, y passer des heures, est-ce trop consacrer de temps à cette activité ? Errer au hasard au long des pages comme dans les allées d’un musée, ne surtout pas suivre le « plan de visite », se laisser guider par l’instinct, relire un paragraphe pour mieux appréhender la pensée de l’auteur, est-ce improductif ? Prendre le temps de ne rien écrire soi-même pour s’enrichir l’esprit, c’est une étape qui me parait essentielle pour nourrir la créativité d’un auteur ou d’une autrice. Ces récoltes immatérielles et rêveuses viendront se combiner un jour, comme par magie, pour fonder une de mes histoires, en tout cas, je l’espère.

Mais quand je calcule le nombre de livres, le temps que je passerai à les parcourir, jamais je ne les lirai tous. Même si je deviens une vieille dame chenue à l’œil toujours pétillant (ce que je me souhaite de tout cœur), je n’en verrai pas le bout. Surtout si je relis des ouvrages, comme je l’ai fait récemment avec Fahrenheit 451.

Lesquels resteront à jamais un mystère pour moi ? C’est délicieux à imaginer. J’aimerais, quand ce sera le moment, partir avec des regrets : n’avoir jamais ouvert tel livre, senti son odeur un peu moisie de bouquin trop longtemps resté sur une étagère, m’être émerveillée de sa richesse. Me dire que ces livres soigneusement conservés seront lus plus tard par d’autres. Et que je lirai par-dessus leur épaule, coquin fantôme que je serai.

Comme je plains les personnes qui n’aiment pas la lecture !

 

2 commentaires sur “Ces livres que je ne lirai jamais

    1. J’ai observé ce processus par le passé. Il faut faire confiance à notre cerveau, qui organise en tache de fond ce qu’il absorbe de façon parfois surprenante. Tu es toi aussi, je pense, familier de ce mécanisme secret de tes pensées !

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